Pane Vivo x noemiche
J’ai rencontré Adriano Farano, le fondateur de la boulangerie Pane Vivo, à la Fête du pain, et depuis je me pose inlassablement la même question : comment est-ce possible que le pain, aliment au caractère hautement symbolique dans plusieurs cultures, soit devenu à ce point industriel et synonyme de malbouffe ? Quelques semaines après, je rencontre Adriano pour qu’il m’explique son histoire et me donne des éléments de réponse.
Parla come mangi
Avec Adriano, on ne raconte pas de salades, pas de fioritures, c’est bon parce que c’est simple. Pane Vivo retient ce qu’il y a de meilleur, de plus précieux dans le pain : ce mélange simple et parfait de farine-eau-levain que l’homme partage et vénère depuis le Néolithique. Les affiches sur les murs de la boulangerie (située au 27 rue Bosquet) interpellent dans un souci didactique. On entre dans un lieu de connaissance qui égaye l’âme. Je comprends l’intention d’Adriano : nourrir dans tous les sens du terme. Je découvre la distinction entre le blé ancien et moderne, la digestion du gluten, l’industrie agro-boulangère et l'histoire sacrée du pain.
“Je suis tombé amoureux du pain au moment où je suis tombé en désamour pour le monde des média que j’avais chéri. Je vivais qui plus est dans la Silicon Valley qui avait véritablement enfanté ce monde-là. Et si vous voulez, l’antithèse c’est le pain. Je n’ai pas beaucoup réfléchi, le jour où j’ai versé de l’eau sur une pyramide de farine de blé ancien pour la première fois de ma vie et que j’ai senti les émanations de ce mélange, ça m’a complètement reconnecté, comme un reset en tant qu’être vivant. C’était vraiment le déclic, l’étincelle, une prise de conscience au niveau de la raison ; il y avait quelque chose à faire au-delà de juste de faire du pain à la maison. Au fur et à mesure, en le fabriquant à l’aide d’un four en argile que j’avais fabriqué avec mes mains et les pieds de mes enfants, ce pain qui sortait tout chaud, extraordinaire et pourtant regardé avec méfiance”
Je ne mangerai pas de ce pain-là
Adriano Farano, journaliste-boulanger, a donc mené une enquête mortifère (diabète, irritation intestinale, maladies cardio-vasculaires…) et très personnelle sur le pain et ses conséquences. “J’ai sollicité les plus grands experts du pain à la fois des agronomes, biologistes, gastro-entérologues, historiens de l’alimentation qui connaissaient l’Egypte ancienne pour comprendre que finalement le pain s’est fondé sur 3 piliers pendant 10 000 ans : une grande diversité de blés, une mouture à la meule de pierre naturel et la fermentation naturelle. Ces 3 piliers se sont petit à petit écroulés au début de la révolution industrielle pour continuer jusqu’à l’après-guerre et aujourd’hui on en paye les frais. Il faut saisir l’urgence sanitaire : 99% du pain, qui sort tous les jours, du four de près de 30 000 soi-disant “artisans” boulangers en France est un pain au gluten indigeste, à l’indice glycémique stratosphérique, trop salé et dopé aux additifs. 95/100 c’est l’indice glycémique de la baguette, c’est supérieur à celui du Coca-Cola !”
Compte-rendu dans son livre-manifeste “Je ne mangerai pas de ce pain-là”. Ce livre est nécessaire, de l’avant-propos avec la tirade anti-gluten (un cauchemar pour un Italien) aux propositions radicales pour réformer l’ensemble de la filière en passant par le guide de dégustation. Ce sont ses recherches qui ont conduit Adriano à changer de vie et fonder la boulangerie naturelle Pane Vivo. “Pane Vivo s’est imposé de manière très naturelle, avec l’idée de redonner de la vie, un pain qui puisse vous faire du bien au lieu de nous tuer.”
Le pain qui fait du bien
Chez Pane Vivo, tous les pains sont au blé dur ancien de Sicile, 100% levain naturel de 132 ans (nommé Viviana ❤️) et 100% bio. C’est la promesse d’un pain au gluten hyper digeste, à indice glycémique bas (41/100) et 67% des besoins journaliers en magnésium. En somme, levain + blé ancien = un pain qui fait du bien. En plus, c’est un pain qui se garde longtemps !
À l’origine, des partis pris chers à Adriano: le choix de blés anciens qui renforcent la biodiversité, une mouture à la meule de pierre naturelle qui préserve les qualités nutritionnelles du pain et la fermentation naturelle qui fait baisser l’indice glycémique en attaquant la structure chimique de l’amidon. Le levain donne une fermentation lactique plus lente et plus digeste ; celle-ci se produit en dehors de l’organisme et ressemble à un début de digestion. Le pain au levain naturel fera donc moins mal au ventre et sera plus rassasiant grâce aux acides et aux fibres qu’il contient.
Ici, chaque pain a un histoire (Sapiens, Shéhérazade, Livia…) et ne contient que des alicaments qui lui donnent encore plus vie comme le sumac, le zaatar, l’huile d’olive… J’ai un seul mot en bouche : les parfums. “On éduque au goût de façon sensorielle, ludique et pédagogique : en se faisant plaisir. Notre pain, même s’il est fait avec une farine intégrale, T150, les enfants l’adorent ! Il n’y en a pas un autre comme celui-ci : vous retrouvez des arômes de cannelle et de miel (IG bas). Mon fils qui a 4 ans et demi ne met que du beurre sur ses tartines, basta. C’est un pain extra pour la santé et je sais que je lui fais du bien. Il faut le goûter, sentir, voir, une fois qu’on l’a goûté, c’est vraiment difficile de rester impassible et insensible”
Le pain c’est la vie
“Il n’y a pas de pâtisseries chez Pane Vivo mais ma fille de 11 ans adore en faire à la maison, elle prend la farine qu’on utilise pour le pain. Elle a découvert qu’avec nos farines, la farine redevient un ingrédient. Parce qu’aujourd’hui dans la pâtisserie, la farine c’est rien. c’est fade, ça n’a pas de goût, c’est une base neutre pour que vous puissiez sentir les autres goûts. Mais si vous utilisez nos farines pour faire un cookie, vous sentez la saveur du blé. Selon la variété de blé, ils vont avoir un goût différent, ce n’est pas une ressource qui n’a ni goût ni d’odeur ni âme, ça va avoir une personnalité. Pour les pâtisseries, je conseille de mettre moins de sucres pour un IG plus bas : sucre coco, raisin, rapadura… Je vous recommande la pâtisserie Oh Oui ! qui essaie d’aller dans cette direction.”
“Finalement, le pain du futur c’est ce qu’on essaye de construire à Pane Vivo. C’est un pain qui va nous réconcilier avec notre dimension de Homo Sapiens, de fils de la terre. Il faut comprendre que manger fait non seulement partie intégrante de notre dimension d’être vivant mais que que c’est aussi un acte agricole. Il existe une règle d’or : tout ce qui fait du bien à la planète, nous fait du bien à nous aussi. À partir du moment où on va chercher à renforcer la biodiversité, on bénéficie de beaucoup plus de nutriments et de plaisir. C’est comme pour le vin, vous buvez un bon vin naturel, ça n’a rien avoir avec les mauvais vins bourrés au sulfites - 115 additifs en moyenne dans le vin aujourd’hui. Il s’agit de récupérer cet esprit critique”
Le pain c’est la vie, voilà tout.