La boulangerie du Sentier x noemiche
Il était une fois la Boulangerie du Sentier, le petit nouveau.
Yariv Berreby - l’un des leaders de la cuisine israélienne à Paris - a commencé à mettre la main à la pâte chez Maafim ; dans cette cantine levantine les best sellers de Tel Aviv trônent sur les tables : une hallah en entrée, une shakshuka en plat, une babka en dessert - la recette de sa grand-mère - et il ne reste plus qu’à répondre “toda raba” (merci beaucoup en hébreu) au serveur. Vous ressortez de là presque natif de Tel Aviv. Maafim est à l’origine une boulangerie et pendant le confinement, ce symbole de la gastronomie française, est déclarée comme secteur prioritaire. C’est le retour à l’essentiel : oui oui croissant, pain au chocolat réconfortant, hallah pour le vendredi soir, pita pour les petites faims, baguette parisienne... Les français accourent et Maafim assure.
Ouvrir la boulangerie du Sentier prend tout son sens. La boulangerie s’installe à deux pas du restaurant Maafim pour devenir la meilleure boulangerie du quartier.
La boulangerie du Sentier
Avant de vous raconter toute l’histoire de la boulangerie du Sentier, voici un petit aperçu de l’histoire du Sentier tiré des livres 36, rue du Caire. Une histoire de la confection et D’Alexanderplatz au Sentier : “c’est l’histoire de la mode, de la confection, des vêtements conçus, fabriqués et vendus dans ce quartier central de Paris, pendant plus d’un siècle, par des générations d’immigrés venus des quatre coins du monde. Fuyant les violences, la guerre ou la pauvreté, des réfugiés s'y sont installés, à la recherche d’un havre et d’une vie meilleure, y trouvant parfois la réussite, parfois la persécution, le plus souvent une vie de travail au gré des mouvements de la mode.”
Yariv installé depuis 2017, prend le relais de l’Histoire.
“Avec le confinement, on s’est transformé en boulangerie et j’ai appris à comprendre ce métier - qui n’était pas le mien - la philosophie, le business model et le marché. Une boutique était à vendre juste à côté, je me suis dit c’est le destin, ouvrons une boulangerie ! Mais pas n’importe laquelle : une bonne boulangerie de quartier, une boulangerie qui représente le Sentier, en perpétuel changement et mutation. Après cette période d’isolement, on avait envie de retrouver cette vie de quartier. Je pense que la boulangerie passe non seulement par la tradition française mais encore par la culture et les origines du quartier.”
Une boulangerie culturelle
Ces métiers du textile - évoqués plus haut - sont aussi liés à la communauté juive. Dans les années 70 - 80, la population juive s’installe dans le Sentier avant de se disperser. Les pains traditionnels juifs ou israéliens se font une place dans le paysage de la boulangerie artisanale française, faite de tradition, de transmission et de savoir. L’intention de la boulangerie du Sentier se précise : faire découvrir la culture juive à travers la culture du pain, elle-même enracinée dans la culture française.
“Si quelqu’un vous retire votre pain, il supprime en même temps votre liberté” (Albert Camus).
“La boulangerie du Sentier se résume à trois mots : Tradition, culture et intemporel. Chacun a un pain qui lui rappelle sa famille, ses souvenirs, son enfance et chaque famille a sa tradition. Les directives à la designer étaient simples : une boulangerie intemporelle comme si elle avait toujours été là, pas une boulangerie conceptuelle, ni éphémère. On souhaite juste faire du bon pain qui rend heureux et donne du plaisir aux gens.”
Souple comme la pâte
“Je pense que comme dans chaque commerce, il y a toujours un dialogue entre la clientèle et l’artisan. Aujourd’hui, si on fait un nouveau pain et qu’on le fait goûter à certains clients, peut-être qu’ils vont apprécier le goût plus acide du pain au levain ou épicé d’un autre type de pain. Petit à petit on demande ce qu’ils en pensent, il ne faut pas être timide mais libre et critique. Tout est une question de souplesse un peu comme la pâte d’ailleurs. C’est notre philosophie : être dans cette approche humble de cet artisanat, c’est un métier difficile, il y a de plus en plus de très bon acteurs de la boulangerie, des jeunes et des anciens, il n’y a pas de contestation sur leur savoir-faire. Je pense qu’il y a une émulation vis-à-vis des clients mais aussi vis-à-vis des autres artisans boulangers.”
La baguette aura toujours sa place à la boulangerie du Sentier, elle représente l’insouciance, elle est cet ami intime qu’on n’abandonnerait pour rien au monde. “J’ai vécu aussi à Paris, la baguette a une force symbolique incomparable, j’ai du mal à voir une boulangerie sans baguette, c’est un patrimoine iconographique. La baguette est et restera mon pain de prédilection.” Et bien, vive la baguette du Sentier et vive la France !
Jamais sans ma hallah
“Notre objectif n’est pas de crier haut et fort que nos pains sont au levain. Déjà parce que dans la mémoire olfactive, en tant qu’enfant moi je n’ai jamais mangé un croissant ou un pain au chocolat au levain, le goût est particulier. Il y en a qui le font et j’admire leur démarche parce que c’est un travail assez complexe mais je pense qu’on peut avoir un croissant à la levure qui est tout aussi bon. La boulangerie du Sentier ne propose de pas de viennoiserie au levain mais on fait notre tradition au levain. On a essayé de faire une hallah au levain mais ce n'est pas exactement ce que les gens recherchent, ils recherchent moins le côté acide que le côté sucré et doux de la hallah. Même constat pour la farine biologique, on a moins d’intérêt à la travailler pour la pita, par exemple.”
La boulangerie du Sentier tient à ses traditions. Tous les vendredis, la hallah - la brioche tressée traditionnellement consommée lors du Shabbat - est à emporter. Ce pain gourmand et moelleux est le symbole de la cuisine levantine.
“C’est la drogue d’accès à l’expérience du Shabbat. Ses brins tordus et entrelacés se rejoignent en un tout, exactement comme nous, avec nos vies éparses et indépendantes” (Marc Grossman)
Yariv propose de la déguster comme un pain d’apéritif, avec des condiments, des assaisonnements différents (tip: les recettes de Maafim pourrons certainement vous inspirer) “La halla de ma mère, c’est ma madeleine de Proust. Je la regardais faire, tresser la pâte puis la parsemer de sésame. Et le lendemain, surtout le lendemain, on faisait des petits sandwichs avec une demie hallah. On allait à la pêche avec mon père et on avait cette hallah huge pour un enfant de 10 ans et on mangeait ce sandwich à 8h du matin. Ce pain-là c’est un vrai souvenir, elle avait une vraie technique : elle coupait la hallah en deux, on enlevait la mie à l’intérieur, on mettait la boulette et on refermait. C’était hallucinant mais très nourrissant !”
Le pain qui monte au cœur et à la tête
“Je n’ai pas de boulangerie préférée mais des boulangers préférés. J’admire leur travail et leur passion parce que c’est un métier de dur labeur. La charge boulangère est silencieuse et lourde. Si tu n’es pas au taquet tous les jours, ça se sent dans ton pain, il y a quotidiennement une responsabilité mêlée de fierté.”
En hébreu, le pain, lehem est étymologiquement lié à la guerre, milhamah. Comme si sa fonction avait été de lui faire contrepoids et de la faire oublier en se cherchant vers le ciel un autre destin. (L’ami intime, Anne Le Cozannet-Renan et Jean-Philippe de Tonnac)
“J’aime beaucoup la boulangerie Mamiche. Tout est bon ! Tu vas là-bas tu te fais plaisir. J’admire tous les boulangers comme Meunier voire Landemaine ou même Kayser en tant que personnage, un équivalent pour moi du Bocuse version boulangerie. Ce sont des artisans qui apportent énormément. Le pain est un éternel sujet qui me fascine. Les discussions avec Matthieu Pichon, le boulanger de Maafim ont donné le ton”
Une boulangerie intemporelle
(Matthieu) “J’ai été formé à l’Ecole de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris à Bercy. C’était ma propre révolution : c’était une profession qui ne s’était pas remise de l’industrialisation. le pain à Paris était de moins en moins bon et l’image de la boulangerie cassée. Aujourd’hui, la boulangerie a besoin de devenir un métier d’exception, une boulangerie “étoilée”. Avec Yariv, on souhaite prendre en compte cette nouvelle vibe, faire la part belle au produit et penser à 100% au client, aux petits et aux grands. La boulangerie du Sentier est universelle où les influences israéliennes, françaises, orientales, espagnoles prennent racine.”
“Notre pain est sain et vivant - il y a 3 ingrédients nécessaires pour faire du pain, il n’y a finalement pas plus simple. Ce sont des pains avec des temps de fermentations lentes et naturelles, le sel et le gluten sont réduits. Les farines sont Label Rouge et locales et éventuellement biologiques. On souhaite sincèrement travailler de façon intelligente, transparente avec un laboratoire ouvert, mettre en valeur le boulanger et les produits.”