Rencontre avec Mickaël Hakmon de Dérives Sucrées
JE VOUS SOUHAITE LE MEILLEUR POUR CETTE NOUVELLE ANNÉE ! J’ACCUEILLE 2023 AVEC BEAUCOUP D'ENTHOUSIASME ET J’AI HÂTE DE PARTAGER AVEC VOUS LES PROJETS À VENIR.
Mickaël Hakmon pâtisse à domicile alors nous nous donnons rendez-vous à l’épicerie Ma Poule, une des épiceries qui dorlote ses cookies et autres dérives sucrées à partager - ou pas. À 30 ans, Mickaël a décidé de rejoindre les rangs d’Antonin Carême, père de la pâtisserie moderne. Profitant du confinement comme séances d’entrainement, Mickaël - alors manager des ventes au BHV Marais - rend son tablier et passe le cap : il s’inscrit à une formation en ligne pour passer son CAP Pâtisserie qu’il obtiendra en juillet 2020. En mars 2021, Mickaël se lance et Dérives Sucrées voit le jour.
Le CAP Cuisine était pourtant tentant, “La cuisine, je suis tombé dedans quand j’étais petit, mon père israélien et ma mère sicilienne cuisinaient tour à tour chacune de leurs spécialités. Mais j’ai décidé de garder pour moi la cuisine et d’aller plus loin avec la pâtisserie” raconte Mickaël, nouvelle recrue de la capitale sucrée.
L’heure de pâtisser
Quoi de plus normal pour Mickaël, biberonné aux bonnes choses, que d’être devenu un pâtissier ? Et quoi de plus audacieux que de se détourner de la voie choisie ? Jacques Lacan disait que "la seule chose dont on puisse être coupable […], c’est de céder sur son désir ". Mickaël plaide coupable et cède. Écoutons donc cet inconscient qui nous structure et nous oriente secrètement :“J’ai toujours manqué d’imagination quand il a fallu trouver des noms et pourtant ce nom-là (ndlr, Dérives Sucrées) s’est révélé assez rapidement. Déguster une pâtisserie, c’est faire un pas de côté, c’est un pied de nez au concept "allant de soi"et surtout quelque chose qu’on ne gouverne pas. J’aime cette idée.”
Précisions des gestes mais aussi du sourcing : “Je n’utilise que des bons produits que ce soit dans ma cuisine de tous les jours ou pour la pâtisserie, je ne peux et veux pas lésiner sur la qualité. En matières premières je n’achète que des produits locaux ou au moins français” Et au delà du sourcing, Mickaël suit également une autre ligne de conduite : Faire ce qu’il aime avec ses propres règles : “Par exemple, les "layer cake", ce n’est pas mon domaine, c’est vraiment un métier dans le métier et Christina Tosi le fait très bien. Et qui sait, si je suis amené à en faire, ce sera dans les règles de l’art, avec de bons produits faits maison. Le praliné, le gianduja, tous les produits transformés que j’utilise dans mes pâtisseries sont des pâtes que je fais moi-même. C’est meilleur à tout point de vue ! Et l’avantage c’est qu’on peut adapter la recette et ajuster les quantités.”
Noir sur blanc
Plus que des résolutions, Mickaël a des convictions, un langage au service d’une cohérence : il rassure ses clients, communique sur ses matières premières et donne de l’élan aux petits producteurs “Quand les clients passent commande sur mon site, tous les produits sont écrits noir sur blanc : Chocolats Valrhona, noisettes du Piémont IGP, pistaches d’Iran, beurre AOP… La saisonnalité, la qualité et la naturalité (ndlr, concept diffusé par le chef cuisinier Alain Ducasse) sont à la base de ma pâtisserie”
“Malgré la menace qui pèse sur certaines productions [françaises] traditionnelles, la maraîchage, l’arboriculture et l’élevage sont riches d’une exceptionnelle diversité de saveurs et de savoir-faire” (Alessandra Pierini et Ilaria Brunetti, On va Déguster Paris)
Faire et raconter avec comme point de départ l’éducation des touts petits. “Essayons de décomposer la pâtisserie, de parler des textures, des ingrédients et expliquons les étapes de la recette. À un enfant qui goûterait un flan pour la première fois, on pourrait lui parler de la vanille, d’où elle vient, comment elle est cultivée et pourquoi c’est un fruit qui est cher. Pareil pour le beurre. On oublie parfois à quel point ces matières premières sont nobles et rares, je pense notamment à l’hiver dernier où il y a eu des pénuries de beurre. Pourquoi et comment ? Cela nous force à revenir au circuit de sa fabrication. Ces aléas nous montrent que rien n’est acquis, même les matières premières qu’on utilise tous les jours peuvent manquer.”
“Dieu sait si j’admire, sur les terres légères de l’Île-de-France, les enclos fruitiers. Maniés et remaniés, ameublis, tourmentés par l’homme, enrichis par lui, il n’est pas un pouce de certains cantons choyés qui n’ait porté cerise ou poire, groseille ou framboise. La taille en gobelet met le fruit à portée de la main, creuse l’arbre pour que le rayon et la brise y descendent. À qui donner le prix, entre la framboise embrumée de pruine mauve, la montmorency d’une chair si fine que le noyau y transparaît à contre-jour, la mirabelle piquetée comme une joue ?” (Colette, Flore et Pomone, 1943)
Salé sucré
“Mon dessert préféré c’est le fraisier, je me souviens quand mon père allait le dimanche matin acheter du pain et qu’il nous ramenait des pâtisseries, à chaque fois il nous demandait ce qu’on voulait, c’était soit un millefeuille aux fraises soit un fraisier” Le fraisier de Mickaël - proposé au printemps - est composé d’une génoise moelleuse, imbibé d’un sirop au citron vert ; d’un insert compotée de fraises et brunoise de fraises fraîches ; d’une crème diplomate légère à la vanille bio de Madagascar ; et de fraises fraiches. Toutes les fraises sont françaises. “J’essaie de retrouver les marqueurs de mon enfance en essayant d’améliorer les goûts, de créer une émotion et de mettre en valeur le produit.”
D’ici 5 ans, Mickaël imagine un lieu hybride, une boutique avec un espace pour faire des ateliers. “J’aimerais aussi proposer une petite partie salée : Il y a des plats inspirés de la cuisine israélienne et sicilienne que j’aimerais beaucoup proposer. Je commencerais par décliner le casse-croûte : de la halla (ndlr, le pain de Shabbat, un pain brioché tressé sans beurre) en sandwich avec des petits condiments, des oignons marinés ou façon grilled cheese. Une fois je l'ai fait avec du fromage à raclette fondu, c’était divin” Repérées chez Micho, le restaurant de Julien Sebbag, les halla-sandwiches secouent la grande famille de la street food parisienne. Et si Mickaël, avec sa halla faite maison, donnait le la ? À voir !
Fait “à la maison”
Mickaël, qui ne travaille que sur commande, a transformé la cuisine de son appartement en un véritable laboratoire et celle-ci peut contenir les commandes les plus ambitieuses : Un buffet pour 100 personnes, préparé en 3 jours ! “C’est un métier et une passion qui prennent beaucoup de place. C’est drôle, j’ai toujours eu besoin d’un cadre, j’étais dans des écoles privées puis quelques mois en fac et ça a duré à peine 2 mois parce que j’étais totalement perdu. J’ai quitté mon travail et je me suis retrouvée à la maison à faire mon propre planning et à agencer mes journées. Du jour au lendemain, on est entrepreneur, c’est une manière totalement différente de travailler. Au début, on doute, c’est dur mais aujourd’hui ce choix est une évidence ! D’ailleurs, j’atteins bientôt la limite de capacité de stockage et production ! C’est un bon problème.”