Chambelland x noemiche
Tous les chemins mènent à la boulangerie et surtout chez Chambelland.
À l’origine : une belle rencontre. Celle de Thomas Teffri-Chambelland, biologiste de formation qui se reconvertit dans la boulangerie ; fabrique du pain biologique au levain et crée en 2007, l’École Internationale De Boulangerie et celle de Nathaniel Doboin, entrepreneur globe-trotteur qui décide de tout quitter pour s’investir dans un projet alimentaire qui a du sens.
Chambelland ouvre ses portes en plein cœur du 11ème arrondissement de Paris, en 2014, et un peu plus tard, le pain est en vente chez Biocoop, le premier réseau de magasins bio en France à proposer des produits bio, issus du commerce équitable. C’est là-bas que je le découvre. Ce pain rectangulaire. Ce pain de riz inimitable.
Chambelland repousse les frontières du monde du pain en devenant une meunerie, boulangerie, pâtisserie bio et naturellement sans gluten. Histoire à suivre.
Je rencontre Nathaniel Doboin, le co-fondateur de Chambelland.
Pain de riz
“J’ai apporté les compétences pour façonner un projet et Thomas, lui, l’expertise et la vision sur le pain. On s’est associé parce qu’on souhaitait ensemble fonder une boulangerie avec des pains biologiques au levain, à Paris, chose qui n’existait pas en 2012 et en affinant notre travail, on s’est aussi rendu compte qu’il y avait un désert sur le pain sans gluten. Notre envie était donc de pouvoir proposer du pain à toute une partie de la population qui ne pouvait pas habituellement en manger. Il y avait un intérêt dans l’innovation et dans la proposition, il y avait une extrême excitation de proposer quelque chose qui n’existait pas et une cohérence économique sur un marché qui était assez peu exploité. C’est la définition d’un bon projet où tu peux t’éclater, te régaler, tu peux en vivre et tout ça fait que cela a du sens.”
Par l’intermédiaire de l’expert meunier Stéphane Pichard, l’équipe Chambelland rencontre Gianmario Viola, producteur italien de céréales ainsi que Laura et Livia, rizicultrices en Lombardie. Ils se retrouvent sur une même passion et une attention particulière aux détails. C’est ainsi que la filière de riz biologique Chambelland voit le jour. Pour produire des farines garanties sans gluten, il est impératif d’écraser les riz dans un moulin vierge de toute autre céréale : une utopie en France. Qu’à cela ne tienne, la maison Chambelland aura son propre moulin à Malijai (Alpes-de-Haute-Provence).
📸 Louis Laurent Grandadam
Du riz au miam
“Il y a plusieurs choses dans la qualification du mot “sain”, donner à manger c’est aussi question de confiance, tu vois quand on fait ce dessin (à retrouver sur le site > histoire ou chez Chambelland), c’est véritable, ce n’est pas que du storytelling, on est allé voir il y a huit ans des fermiers en Lombardie et en Camargue, on s’est associé avec un meunier pour faire notre moulin. Le fait de prendre du riz dans un champ, de l’amener dans notre moulin, d’en faire de la farine et que cette farine devienne du pain à Paris, c’est sincère et véritable, c’est vraiment l'histoire qu’on a montée de toutes pièces pour pouvoir parfaitement maîtriser nos ingrédients et avoir de la maîtrise technique ; assurer notre promesse finale qui est : un sourire, en disant je veux te faire du bien avec le produit que je te vends et tu vas l’acheter, tu vas être un client et moi je vais en vivre. Tu vois c’est ça ce contrat de confiance, la transparence dans l’alimentaire que j’estime indispensable.”
Derrière les produits, il y a toujours une équipe et chez Chambelland, Nathaniel veille au grain. “On lie toujours l’humain, le produit et l’outil. L’humain au cœur en essayant vraiment de favoriser l’ergonomie au travail. Le bien-être au travail se prolonge ainsi dans notre offre : on propose de bonnes pâtisseries, qui te font du bien et sont franchement gourmandes. Les deux mots qui revenaient tout le temps quand on pensait un produit il y a 8 ans, c'était bien-être et plaisir. Bien-être parce que tu vas pouvoir manger un pain qui est véritablement sain et plaisir, parce que ça doit rester un produit de plaisir pour s'alimenter.”
📸 Louis Laurent Grandadam
Le sans gluten pour tous
“Le but c’est d’être pour tout le monde, ce n’est pas que pour les gens qui ont des allergies. On ne veut pas cliver. Et puis quand tu annonces une boulangerie bio et sans gluten, alors nous on ne l’a jamais écrit en rose fluo sur notre devanture, on a marqué boulangerie, meunerie et que c’était ouvert à tout le monde et à moment donné forcément quand tu accueilles les gens et qu’ils te disent ouais c’est sans gluten donc c’est communautaire et bien non, c’est-à-dire que tu vas probablement aimer notre pain ou ne pas l’aimer mais par contre tout le monde peut y accéder. Je connais pleins de gens qui ne se préoccupent pas de savoir si c’est sans gluten, tu peux ne pas être allergique au gluten, et commander un brookie, un moelleux au chocolat… C’est une autre manière d’aborder la consommation.”
“Rien que dans ta proposition et ton offre, c’est une manière déjà sans le dire, d’imposer une gamme. Soit tu acceptes soit tu n’acceptes pas mais par cet engagement de toujours soutenir l’agriculture biologique, de toujours soutenir les fermiers en direct avec qui on travaille, c’est aussi une manière dans l’action d’éduquer mais ce n'est pas la prétention d’éduquer. On a surtout une responsabilité de transformateur, d’ingrédients bruts en produits comestibles et bons et ça c’est une sacré responsabilité. Les promesses finalement passent par les offres. Plus il y aura d’offres, plus spontanément tu auras un glissement vers une consommation plus durable et d’offres honnêtes. À la vente, il faut aussi les arguments, le discours pour pouvoir le défendre sans donner des leçons. On explique par exemple que le riz est trois fois plus cher que le blé. On essaie de compléter des informations manquantes.”
📸 Charlotte Tanguy
Donner de la gourmandise
“Clairement le pain a la place la plus importante, ne serait-ce qu’économiquement : on vend plus de pain que de pâtisseries. La pâtisserie a toujours été importante à nos yeux pour exister et un petit peu pour mettre de la lumière, de la couleur. La pâtisserie est là pour pimper, donner de la gourmandise, inviter à la curiosité, à la nouveauté. Tu peux plus facilement faire des nouveautés avec de la pâtisserie qu’avec du pain. En fait tu as beau aller dans toutes les boulangeries de France et de Navarre, tu vendras toujours un pain nature et un pain aux graines. Néanmoins, on invite les boulangers à proposer un pain par semestre, qui vient de leur part.”
Selon Nathaniel, le best-seller, c’est le pain aux 5 grains, très aromatique. Ce pain a un indice glycémique très bas donc pas besoin de boulotter une baguette pleine de levure et d’avoir super faim une heure plus tard. Posologie : 3 tranches de pain avec ce que vous voulez et ce sera rassasiant.
Goûtez aussi au pain de sucre ! Grâce à la farine de riz, on obtient une texture de gâteau brioché, rare et délicieuse. Cette absence de gluten a en réalité été une force pour Chambelland, ils ont pu définir un autre champ lexical de produit.
📸 Louis Laurent Grandadam
Artisan power
Chambelland est visionnaire alors j’en ai profité pour lui demander quelques prédictions. “Je vois un éclatement de la boulangerie, de toutes les chaînes. Le pain de demain je le vois plutôt dans le secteur d’activité j’essaie d’extraire la notion de pain, de ne pas penser au produit, parce que tu as un million de manières de faire du pain dans tous les pays du monde, tu fais du pain de manière différente. Le pain de demain doit tenir les promesses qu’on connaît : nutritives, aromatiques et digestives. Si on a ces promesses-là, c’est déjà une bonne chose. Après le pain de demain c’est dans son expression que ce sera beau de le voir exister à travers un éclatement de pleins de boulangeries avec leur ADN, leur engagement et leurs empreintes et dans ce quartier typiquement tu as 5 boulangeries : Utopie, The French Bastards, Graines, Landemaine, Chambelland, Ten belles et Fermentation générale, ça fait 6 propositions qui ont leur ADN, leur essence.”
“Nous c’est artisanal avec des gens qu’on paye, qui ont un salaire, qui en vivent, qui sont à Paris. On préserve le savoir-faire à Paris, il y a aussi cette défense de l’artisanat et du savoir-faire dans le bassin parisien, c’est un vrai sujet d’où les investissements qu’on a pu faire pour le bien-être au travail. On a dissocié nos 2 laboratoires : un laboratoire snacking et pâtisseries, et un autre de pains exclusivement. Tout le monde travaille en lumière naturelle et de jour. On prépare l'avenir avec engouement. À la fois il s’agit de préparer un développement économiquement maîtrisé, on est indépendant, on veut rester dans cette dynamique d’artisan et en même temps de créer de l’espace, de la disponibilité, de l’ergonomie pour les équipes qui travaillent en laboratoire.”
📸 Louis Laurent Grandadam
Chambelland à la maison
Et les réseaux sociaux dans tout ça ? “Un outil puissant mais déprimant. C’est un effort pour s’y accommoder parce que je trouve ça délirant cet exercice de tout exposer, montrer et justifier. On perd le contact humain dans toute cette histoire. En fait on ne peut pas s’en passer parce qu’on est obligé de communiquer simplement pour montrer qu’on existe et en même temps c’est tellement biaiser comme exercice… J’ai vu le repost d’une cliente qui se filme en train de déguster la tarte citron, c’est une vraie publicité, c’est fou. Évidemment on a compris les contours de cet outil-là et on s’en sert, on a une communauté, on joue le jeu de ça.”
“Prenons l’exemple de Youtube, je me suis servi de ce réseau-là pour partager ces recettes qui sont assez chouettes à regarder et je me suis éclaté pour les produire. Pour le coup Youtube, tu as cet intérêt de créer du contenu et de rendre utile les choses. Tu as des gens qui régulièrement vont nous demander telle ou telle recette et on va maintenant les inviter à les regarder sur Youtube pour pouvoir les faire à la maison et s’éclater avec leurs enfants et faire une mousse au chocolat. Il y a une réflexion derrière parce qu’on vend de la farine, ça sert notre offre.”
📸 Caroline Mignot